Gens de village : portraits de paysans lorrains

C'en était donc fini de Nicolas... Au bruit sourd de la terre recouvrant le cercueil répondaient maintenant les sanglots des enfants: de Jean-Joseph, de l'autre Nicolas, de Jean-Claude et ceux d'Anne-Cécile. Aussi, bien sûr, les pleurs de la veuve, plus discrets toutefois. Non pas qu'elle ne fut pas en peine, bien au contraire, mais ce n'était pas comme cela qu'elle voulait dire adieu à son homme. Quarante cinq ans de vie commune, de soucis, de malheurs mais aussi de petits bonheurs, ça ne s'exhibait pas devant tous ces gens du village. La mort, c'est comme l'amour, c'est affaire trop intime pour se crier aux quatre vents. Ses adieux, elle les avait fait en étreignant la main bien fort, longuement, juste avant que le menuisier ne referme la boite de sapin. A cet instant, ce n'est pas la main froide, calleuse, noueuse, d'un vieil homme qu'elle serrait, mais celle du jeunot qui n'osait l'embrasser au sortir de la messe, ce jour-là, derrière le mur du verger. Oui, celle du Nicolas qu'elle s'était juré d'épouser. C'est qu'elle avait du caractère, la Marie-Anne...