Mon frère le Carso

Je parcours les rues de Trieste et je suis content qu'elle soit riche, je souris aux chariots qui passent à grand bruit, aux sacs gris de café gonflés à crever, aux caisses presque élastiques où, parmi des dentelles et des voiles de papier, sont empilées les oranges ventrues, aux sacs de riz qui laissent filer depuis la douane où on les a poinçonnés une raie fine de neige blanche, aux barils demi-défaits de colophane ambrée, aux lourds ballots de laine brute, aux tonneaux morveux d'huile, à toutes les belles, toutes les bonnes marchandises qui passent par nos mains à destination des Allemands et des Tchèques, et qui viennent d'Orient, d'Amérique ou d'Italie.