Désastre

Tuez-moi !... Tuez-moi, mon Dieu !... Qu'on en finisse ! Que je disparaisse de la surface de ce monde ! Faites que je m'étrangle avec ma voix, que je m'étrangle dans elle. Faites que je tombe comme une lourde pierre, dans mon cri comme une lourde pierre. Que je tombe dans cette mer d'immondices, que je me noie dans cette mer de femmes, de toutes celles que vous avez souillées, de tous ces ventres que vous avez grossis, cette mer remplie du corps des femmes, remplie des pleurs de millions de femmes. Toutes ces mères qui pleurent vos crimes les plus abjects. Toutes ces mères qui pleurent les enfants que vous avez volés, qui pleurent toutes ces guerres que vous autorisez. Toutes ces guerres qui sonnent le glas de votre nom comme une reconnaissance de votre nom. Votre nom comme le porte-parole des plus immondes monstruosités. Votre nom comme les trompettes de la mort. Votre nom comme le plus noir des présages.

Circularité du désastre. Tout ici se répète, comme dans le cerveau délabré d'un vieil homme ou dans celui d'une jeune fille mourante sur son lit d'hôpital [...]. Les êtres se dédoublent, les vivants dialoguent avec des fantômes, jusqu'à ne plus laisser dialoguer que des fantômes entre eux. Stella et son double, Irène. Irène et son double, Stella. Le spectre d'Irène et celui de Stella. Le désastre est un cycle auquel on n'échappe pas.